Apercevoir, dans la rue de la cathédrale Notre-Dame du Puy-en-Velay, une femme penchée sur son carreau de dentelle aux fuseaux pourrait donner un parfum d’antan à ce savoir-faire ancestral. Mais c’est sans compter sur la créativité et l’innovation de passionnés qui ne cessent de la réinventer pour faire de la dentelle un art résolument vivant.

Rencontre avec Adélaïde Albouy-Kissi, maître de conférences en informatique appliquée à l’Université de Clermont (à gauche), Julie Agrain, dentellière, diplômée en design textile à l’ESAD d’Orléans (au centre) et Rolland Arnaud, dirigeant de Fontanille Scop (à droite). Interview.

Remontons d’abord le fil de l’Histoire. Qu’est-ce qui caractérise la dentelle du Puy-en-Velay ?

Julie : La Haute-Loire compte trois dentelles principales : les dentelles « Torchon » et « Cluny » qu’on retrouve au Puy-en-Velay et la dentelle de Craponne-sur-Arzon. La dentelle du Puy se caractérise par le point d’esprit : styles gothiques avec des motifs en ogives, des rosaces et une absence de nœud.

Qui étaient les dentellières ? Comment le métier a évolué ?

Julie : A l’origine, c’était beaucoup de béates (qui avaient pour mission d’éduquer les enfants et enseigner la religion). Puis les femmes d’agriculteurs ont pris le relais. En 1860, la dentelle faisait vivre la moitié de la population. Le métier s’est ensuite raréfié avec la guerre, les femmes devant travailler dans les champs.

Rolland Arnaud : On est ensuite passé du carreau à la dentelle mécanique. Il y a 30 ans chez Fontanille, on avait 300 métiers fuseaux pour 30 personnes qui travaillaient la dentelle. Aujourd’hui, ce sont 60 métiers pour cinq personnes. Et pourtant il y a un regain, un marché potentiel pour ce produit rare. C’est un métier en voie de disparition. Notre travail c’est donc de transmettre et lever cette tradition du secret.


Pourquoi parle-t-on d’une tradition du secret ?

Julie : Comme les dentellières avaient vraiment peur de la concurrence, elles  avaient  leur propre motif et carton. D’ailleurs la tradition du secret persiste encore : tout ce savoir-faire est assez éparpillé. Les personnes gardent secrètement chez elles la dentelle et finalement on a peu de collections. Aujourd’hui, il n’y a plus de concurrence, c’est principalement du loisir. Pourtant, c’est difficile d’apprendre le geste pour une personne extérieure. Ce geste reste transmis de génération en génération et dans une culture de l’oral.

Votre défi : Dévoiler le geste de la dentellière par le numérique ?

Rolland Arnaud : Oui, toujours ! On a envie de faire basculer la dentelle dans l’industrie 4.0 avec la conception assistée par ordinateur, s’ouvrir à des nouveaux métiers et rayonner à l’international.

Il était une fois… le soulier de la Cendrillon Ponote

Adelaïde, pleine d’imagination, lance un jour un défi à son équipe de designers : « Comment serait la chaussure de la Cendrillon Ponote qui se prendrait les pieds dans les pavés de la ville haute ? » Est née une chaussure à faire pâlir toutes les fashionistas : la dentelle est travaillée avec des cristaux de Swarovski pour rappeler la Lentille Verte du Puy et traversée par une boucle réalisée en impression 3D à partir de verveine gélifiée ! Tout un art travaillé avec le Centre d’enseignement de la Dentelle du Puy, les dentellières de l’atelier Couleurs Dentelle à Brioude et des artisans locaux.

La dentelle s’invite aussi sur les murs, à Craponne-sur-Arzon

La dentelle se réinvente aussi en version street art sur un mur du village de Craponne-sur-Arzon, connu aussi pour son patrimoine dentellier. C’est perchée en haut d’un engin et munie de bombes de peinture que l’artiste polonaise Nes Poon vient de réaliser une fresque inspirée des motifs de dentelle.

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